Visite du Musée Fragonard de l'Ecole Vétérinaire de Maisons-Alfort

Samedi dernier, se tenait à Maisons-Alfort une réunion conjointe de la Société française d'histoire de la médecine et des sciences vétérinaires (SFHMSV) et de la Société française d'histoire de la médecine (SFHM).

A cette occasion, une visite du Musée Fragonard était proposée, avec pour guide son conservateur, Christophe Degueurce.

 

Ce très beau musée est un des plus anciens de France, héritier du "Cabinet du Roi", créé par Bourgelat en 1766 dans ce qui fut la seconde école vétérinaire créée au monde.

Ce musée a traversé les siècles, les révolutions et les guerres, conservant un patrimoine exceptionnel et très particulier, sous la forme d'un fascinant cabinet de curiosités.

On y trouve de nombreuses pièces anatomiques : squelettes, animaux naturalisés, organes conservés de diverses manières, moulages en cire ou en plâtre, comme ceux de Petitcolin, et de Richir, ainsi que de nombreux "monstres" ou spécimens tératologiques.

 

La médecine vétérinaire et son enseignement étant fondamentalement basés sur la comparaison, de nombreuses espèces domestiques sont présentes, de même que l'humain, ce qui peut sembler morbide voire choquant aux yeux de certains, à l'image de cette "sirène" qui, aujourd'hui encore, crée la polémique.

Ce n'est pourtant que l'expression d'une réalité scientifique indéniable : l'humain est un animal, qui trouve sa place parmi les autres espèces.

Les agents pathogènes, eux, ne font pas la distinction, à l'image de la morve, qui tuait aussi bien les chevaux que les vétérinaires ou les éleveurs, comme le prouve ce moulage en cire du visage d'un étudiant décédé après s'être coupé au cours de l'autopsie d'un cheval malade.

Heureusement, d'autres pièces sont plus légères, amusantes mêmes, à l'image de ce catalogue non exhaustif de ce qui peut se retrouver dans l'estomac d'une vache :

Ou encore ce crâne de "jumard", croisement imaginaire résultant d'une mystification orchestrée par Bourgelat en personne.

Comme l'endroit était destiné à la formation des élèves vétérinaires, il est logique d'y trouver aussi des pièces décrivant certaines opérations particulièrement importantes, ainsi qu'une collection de fers de tous types et de toutes époques, la maréchalerie faisant partie intégrante de l'art vétérinaire des débuts.

On peut voir également quelques instruments. Il n'y en a que très peu d'exposés pour l'instant, mais il semble que cette partie de l'exposition soit appelée à se développer dans l'avenir.

Le musée présente également une magnifique collection de modèles anatomiques du Dr Auzoux : de superbes représentations en carton pâte, d'une extraordinaire précision et entièrement démontables, afin de pouvoir observer toutes les structures anatomiques. Voici par exemple un pied de cheval montrant différentes pièces amovibles.

Le clou de cet ensemble, est sans aucun doute le superbe modèle de cheval clastique, récemment restauré des pieds à la tête, grâce au mécenat de Pfizer Santé Animale.

Je vous reparlerai bientôt d'Auzoux et de ses fabuleux modèles dans un prochain billet, déjà en préparation.

Mais les pièces maitresses du musée, les plus spectaculaires, sont sans conteste les fameux "Ecorchés de Fragonard", qui se trouvent tout au fond du musée, dans une pièce à part dont l'atmosphère et l'éclairage sont soigneusement controlés pour leur assurer une conservation optimale.

Leur créateur, Honoré Fragonard, cousin germain du peintre Louis-Honoré Fragonard, était chirurgien de formation. Il fut recruté par Bourgelat pour enseigner l'anatomie à Lyon, puis à Alfort, dans les écoles vétérinaires tout récemment créées.

Il mit au point une technique de conservation de ses pièces de dissections et l'utilisa pour créer des tableaux saisissants, qui lui valurent à l'époque une importante notoriété, comme le cavalier de l'Apocalypse sur son cheval au galop, l'homme à la mandibule ou les foetus dansants.

Après cette visite, un repas était organisé pour tous les participants, puis la journée s'est poursuivie par une série de 6 courtes présentations sur des sujets divers.

A la fin des communications, nous avons eu, grâce à la gentillesse de Christophe Degueurce, l'immense chance de visiter les réserves du musée et de voir des pièces non présentées au public, ainsi que les instruments récemment acquis par le musée.

Avant de prendre la route du retour, nous avons encore fait un petit détour par les anciennes écuries, toujours utilisées pour hospitaliser les chevaux soignés à l'Ecole, afin d'admirer le travail de Bourgelat, inscrit comme "établi" à l'inventaire des monuments historiques.

 

 

Ce travail, utilisé pour la contention des chevaux lors des opérations de chirurgie et de maréchalerie est illustré sur ce tableau de Delbos exposé à l'entrée du musée. Il représente une trachéotomie réalisée par le professeur Trasbot, entouré d'étudiants.

Et, juste avant le départ, petit clin d'oeil aux Alforiens, une dernière pièce de musée pour la route !

Pour en (sa)voir plus :

https://www.facebook.com/musee.fragonard

http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/l-extraordinaire-bestiaire-de-maisons-alfort_688782.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Mus%C3%A9e_Fragonard_de_l%27%C3%89cole_v%C3%A9t%C3%A9rinaire_de_Maisons-Alfort

http://fr.wikipedia.org/wiki/Honor%C3%A9_Fragonard

Il est également possible (et chaudement recommandé) de consulter l'inventaire en ligne du musée Fragonard : http://www2.biusante.parisdescartes.fr/img/index.las?mod=s&tout=enva

Sans oublier les très beaux ouvrages de Christophe Degueurce :

http://www.amazon.fr/Christophe-Degueurce-Livres/s?ie=UTF8&page=1&rh=n%3A301061%2Cp_lbr_books_authors_browse-bin%3AChristophe%20Degueurce

(Je tiens à préciser que je n'ai pas d'actions chez Amazon, c'est tout simplement le premier lien complet référencé dans le moteur de recherches très connu que j'utilise !)